L’oiseau-feuille

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Vie

Mammographie. Second cliché de vérification. Sourcils froncés de la praticienne et de son aide de camp. Je pars en miettes, en pelures. Je suis une masse dure mais une masse debout. « Tout va bien, Madame !»

Ma vie est suspendue au fil de leurs voix. Un chiffon qui reprend de l’éclat. Je rebrousse, je tangue vers la cabine. Je ne peux m’empêcher de dire à ces gens toujours pressés que hier une amie a appris qu’elle avait des métastases dans le bassin, qu’elle rechute, que l’épée a brisé le dos de la rémission.

Derrière l’église de Laeken, j’aperçois une grille large ouverte que je n’avais jamais remarquée. Je pense parc, arbres, bancs. Je tombe sur un cimetière, impérieux de pierres grises. J’avance poussant mon vélo dans les graviers, oblique vers la gauche et je le vois, un géant, un hêtre gulliver dont le tronc court se divise en 5 branches maîtresses, un arbre-chandelier. L’écorce a avalé un des 4 piquets de ciment qui bordent une pierre tombale déchaussée. Le cercueil et le corps doivent reposer dans un berceau de racines. L’homme ou la femme enterré là vit dans la chair de l’arbre. Brutales, des coliques me labourent le ventre. Mon émotion est descendue fissa et pistonne mes viscères. Me vider, me vider! Je pars sans me retourner.

Au pied de mon tulipier #7

Le soleil du matin radiographie les feuilles. Les akènes de la saison passée forment un cercle de foin autour du tronc, une prise de territoire, la projection au sol de son houppier monumental.
Le parc s’anime, devient une bulle de bruit concentré. Les tondeuses me chassent. Il paraît que rester à proximité blessent les yeux. C’est plutôt les oreilles qui souffrent. J’avais une demande pour mon arbre mais tellement irréalisable. On est stupide, nous les humains. Les arbres sont plus sages. Je vais vers eux pour prendre de la graine.